Principe de précaution, droits des passagers aériens et interdiction de vol du Boeing 737-Max 8

La tragédie du vol Ethiopian Airlines du 10 mars dernier a jeté un doute sur la fiabilité du Boeing 737- Max 8 qui équipe les flottes de nombreuses compagnies aériennes, parmi lesquelles des compagnies européennes, et amené les autorités à édicter, en vertu du principe de précaution, des mesures d’interdiction de vol aux appareils de ce type.Après notamment Singapour et la Chine, la France a ainsi décidé d’interdire son espace aérien aux Boeing 737-Max 8, par décision de la Direction générale de l’aviation civile prise deux jours après le drame. Quelles en sont les conséquences pour les passagers aériens en possession de réservations pour des vols qui auraient dû être opérés sur des appareils Boeing 737-Max 8?Certaines compagnies aériennes ont ou vont faire le choix d’annuler purement et simplement les vols qui aurait du être opérés sur ce type d’appareil. Si les passagers sont informés de cette annulation moins de quinze jours avant la date de départ prévue et sans offre de réacheminement de la part de la compagnie aérienne, cette dernière pourrait être redevable envers ses passagers d’une indemnité variant entre 250 € et 600 € selon la distance de vol qui devait être parcourue, conformément aux dispositions du Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement et du Conseil du 11 février 2004.La jurisprudence applicable en la matière est en effet très claire :même en présence de circonstances extraordinaires (au rang desquelles se place immanquablement la décision de la DGAC précitée du 12.03.2019), les compagnies aériennes ont le devoir de prendre toutes les mesures raisonnables afin d’éviter les retards ou annulations de leur vol et doivent notamment“réorganiser leurs vols dans la mesure du possible autant que cela n’entraîne pas des conséquences financières insupportables pour la compagnie et démesurées par rapport à l’objectif de protection élevée des passagers aériens.” *Concrètement, toujours selon la jurisprudence applicable en la matière, cela “implique qu’elles mettent en oeuvre tous les moyens en personnel ou en matériel et les moyens financiers dont elles disposent sauf à consentir des sacrifices insupportables au regard des capacités de l’entreprise.” *A cet égard, sachant que les Boeing 737-Max 8 constitueraient environ 13% de la flotte mondiale, la marge de manœuvre des compagnies aériennes n’est pas inexistante. En fonction de la flotte dont elle dispose, il leur appartient de remettre en service d’autres appareils ou de réorganiser la rotation des aéronefs non concernés par l’interdiction de vol ou bien encore de faire appel à des entreprises externes afin de louer des appareils de remplacement.Les compagnies aériennes ne pourront ainsi se défaire de leur obligation d’indemniser les passagers aériens sur le fondement du règlement 261/2004 qu’après avoir fait la preuve des mesures prises afin d’obvier les conséquences de la décision d’interdiction de l’espace aérien aux appareils de type Boeing 737 -Max 8, ou de l’impossibilité de prendre de telles mesures.Bien entendu, les conséquences financières des dysfonctionnements du Boeing 737-Max 8 ne sauraient peser sur les passagers ni sur les compagnies aériennes clientes de la société Boeing. Ces dernières disposeront de la possibilité de se retourner vers le constructeur Boeing afin d’obtenir, entre autres dommages, le remboursement des sommes qu’elles pourront avoir été amenées à verser aux passagers aériens sur le fondement du Règlement (CE) 261/2004.

Caroline Seidler ( rsavocat.fr)

*Voir notamment : CJUE 22 décembre 2008 (affaire C-549/07), Conseil d’État 27 février 2015, 2ème / 7ème SSR, 380249

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